Le Debrief

Cap de la quarantaine et périphérie du cool, racontés depuis l'Essonne. Mes autres publications sur Kessel : les livres en ligne "76 kilos" et "Glory Box".

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Par Charlotte Moreau
30 nov. · 2 mn à lire
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#51 Le goût de la jupe

C’est une histoire d’attraction et de répulsion. De liberté et d’entrave. De collants et de jambes nues. De complexes et de confort.

J’ai porté des jupes tard, très tard. Comme beaucoup de filles de ma génération, j’en avais une seule au lycée, et on se synchronisait pour la mettre le même jour.

Ensuite, j’en ai eu beaucoup. Trop. Il fallait probablement en passer par là, étancher un truc, comme on rattrape le temps. Zébrée, dorée, rayée, volantée, mini, midi, fleurie, à fleurs, à méduses, à tortues. Je n’en regrette aucune. Ni de les avoir achetées, ni de les avoir revendues. 

Les jupes c’était avoir 20 ans, 25 ans, 30 ans. 
C’était porter des talons, les deux allaient de pair. 
Et ce n’était pas aussi galvanisant que d’acheter une robe

Je continue d’être très drama avec les robes, l’espace mental qu’elle me prennent, les espoirs que je place en elles, les déceptions qu’elles me causent. Il y a toujours un enjeu disproportionné quand on se découvre en robe dans un miroir. Un truc qu’on veut dire de soi, ou qu’on voit de soi. 

La jupe, à côté, c’est un non-évènement. Un morceau d’étoffe qui passe entre les gouttes, peut attendre paisiblement son heure au fond d’un placard, raison pour laquelle j’ai veillé à en garder quelques unes dans le mien. Celles qui survivaient à mes prises de poids successives et matchaient toujours avec ma garde-robe avaient le droit de rester. Une ou deux jupes pour, une ou deux fois par an, me motiver : allez, un collant, ma mini en cuir, oh maman t’es belle, ça fait plaisir à tout le monde, et puis on remballe jusqu’à l’année prochaine. 
Un peu comme au lycée, finalement. 
La journée de la jupe.

Jusqu’à ce printemps, où quelque chose a frémi. Toute la vibe de la jupe-midi-en-soie-bleu-marine m’a pas mal travaillée. Marinière Sauvage peut en témoigner je ne compte plus les kilomètres de DM qu’on s’est envoyés sur le sujet. J’ai finalement jeté mon dévolu sur un modèle qui n’avait rien à voir, beaucoup plus graphique, ample, accordé à ma stature. Celle qui est tout en haut à gauche, dans la bannière de cette newsletter.

Je l’ai portée tout l’été, en alternance avec un short noir taille haute dans lequel je dévoilais, pour la première fois depuis très longtemps, mes jambes marbrées comme une carte routière.

Je mentionne le short parce que ça procède d’un truc un peu voisin. Porter une jupe midi, ce n’est pas dévoiler ses jambes, mais les dénuder quand même. C’est retrouver leur texture, leur frottement, l’air qui circule entre elles. C’est, dans le plaisir des sens comme dans l’inconfort, le corps qui se rappelle à vous et auquel vous connectez.

Adeline parlait de « descendre dans son corps » lors d’un récent épisode de « En corps heureux ». Elle y arrive par la méditation. Moi, l’intranquille, toujours agitée, je crois que j’y arrive par le vêtement.

Certains d’entre eux m’obligent à voir le corps non pas comme une surface qu’on recouvre, mais comme un lieu de sensations. La robe ne me fait pas cet effet-là. En robe, je suis occupée à m’observer, je pense à l’image que je donne, je suis dans un truc cérébral, je quitte un peu mon corps. En jupe, je le réintègre.

RV le 31 janvier pour le prochain Debrief, qui sera consacré à mon bilan shopping 2024 (qui sait s’il y aura une autre jupe dedans d’ici là ?)

À propos de moi 

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