Le Debrief

Cap de la quarantaine et périphérie du cool, racontés depuis l'Essonne. Mes autres publications sur Kessel : les livres en ligne "76 kilos" et "Glory Box".

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Par Charlotte Moreau
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#49 Tout doit disparaître

Mon doudou mental de l'automne : le wardrobe switch over. Et comment la disparition de mes vêtements m'est devenue indispensable.

Comme tout le monde, j’ai d’abord râlé. 
Pas envie de voir le soleil se faire la malle aussi brutalement. 
Pas envie de dire adieu à cet été trop bref. 
Pas envie de rempiler, cette année encore, pour un automne de neuf mois. 

Mais les prévisions météo de la Fashion week ne m’ont pas laissé le choix. Il fallait bien s’habiller pour affronter la pluie et le vent. J’ajouterais volontiers « sans rien lâcher sur le confort » puisque les journées allaient être particulièrement longues, mais avec moi ça va déjà de soi. 

Je phosphorais donc pour me composer trois tenues waterproof-et-fashion-week-compatibles quand c’est arrivé : l’Appel du wardrobe switch over. Ce moment de bascule, de réinitialisation, où l’on saute sans se retourner dans la nouvelle saison, en escamotant toutes ses fringues caduques.

Les vêtements d’été étaient encore majoritaires dans mon placard il y a dix jours, et il m’a suffi d’une (grosse) pause déjeuner pour faire place nette. Ça se passe souvent comme ça chez moi : je ne planifie rien et la minute d’après je suis en train de tout vider (même s’il est 23h, ça c’était l’hiver dernier). 

Parce que le genre humain se divise en deux catégories : ceux qui gardent l’intégralité de leurs vêtements sous les yeux tout au long de l’année, et ceux qui pratiquent un système de rotation au fil des saisons. Depuis que j’ai rejoint cette seconde équipe il y a quelques années, ma relation aux vêtements en a été transformée. Moins d’encombrement, moins de lassitude, moins de « j’ai rien à me mettre »… je n’y ai trouvé que des avantages. 

À chaque switch, l’effet booster sur mon moral est maximal. Même quand l’été a duré deux secondes, et que j’ai ressorti, comme cette année, des vêtements d’automne que je portais encore au mois de juin.

Le simple process de réinitialiser le contenu de ma penderie agit sur moi comme une ardoise magique. Me redonnant de l’oxygène, de l’élan et de la créativité, sans dépenser un euro. C’est ce qu’on appellera le wardrobe switch over effect, et pour moi ça ne dure pas que deux heures, c’est aussi un spectacle dont je raffole sur YouTube. Tapez-y les mots wardrobe switch over et vous verrez : une symphonie de dressings lumineux et de girls next door délicieusement maniaques vous expliquant comment elles ont réorganisé et recomposé leur penderie pour la nouvelle saison.

Ces vidéos me font l’effet d’un pageturner dévoré sous un plaid, un plaisir cosy ultime. Avec un appétit tout particulier pour celles d’Emma Hill, ce qui peut paraître étonnant au premier abord : les basiques de couleur neutre sont sa religion, et loin d’être la mienne. 

Mais j’aime l’agencement de son dressing (composé de meubles Ikea détournés, car Emma a l’âme d’une bricoleuse). Et rien ne m’apaise autant que de la voir réinvestir cette pièce régulièrement, passer l’aspirateur dans ses tiroirs, déhousser ses sacs ou ranger ses baskets immaculées. Le spectacle de l’ordre agit comme un puissant tranquillisant sur moi, surtout quand je traverse une période d’activité et de charge mentale intenses. Et puis nous fonctionnons de la même manière avec Emma : en cloisonnant nettement les saisons. 

Elle fait 4 switch overs par an et moi, davantage encore. En gros, je ne veux avoir dans ma penderie que ce que je peux mettre dans les quinze jours à venir. Tout le reste, c’est soit trop tard soit trop tôt. Une approche que j’ai détaillée dans le chapitre « Hors saison, hors de vue » de mon livre « Le Dressing Code » et qu’à titre personnel, je radicalise, jusqu’à faire l’opération une bonne dizaine de fois par an. Avec la même philosophie : « moins votre dressing comportera de pièces, plus il sera lisible et efficace ». 

Bien sûr, cet écrémage permanent de ce que j’ai sous les yeux s’appuie sur une connaissance fine de mes silhouettes clefs. Quand le temps s’est dégradé, j’ai regardé mes tenues d’octobre et mai, dans ces petits albums mensuels que j’alimente au jour le jour sur Instagram (et que j’utilise en version imprimée chez moi). J’ai ressorti les fringues correspondantes, accroché mes 20 silhouettes préférées derrière la porte de mon dressing, et c’était fini.

Petit rappel nécessaire si vous êtes arrivés récemment par ici : j’ai deux penderies. 

1) Le dressing du quotidien, qui est ouvert et fait 130 cm de large. J’y répartis mes vêtements sur cinq étagères, trois tiroirs et une tringle de 75 cm. N’y entrent pas : mes chaussures, qui sont dans des casiers dédiés (le modèle IKEA Hemnes que vous apercevez sur mes photos d’OOTD) et mes manteaux, suspendus dans un placard de l’entrée.

2) L’armoire du hors saison, qui est fermée et deux fois plus grande que mon dressing du quotidien. Dès que je n’ai plus l’usage immédiat d’un vêtement, il y retourne. Qu’il soit trop léger, trop chaud, trop petit ou trop vu. 

Je ne dirai jamais assez le bien que ça me fait de voir littéralement disparaître des pans entiers de ma garde-robe, à intervalles réguliers. Chez moi c’est sans appel : loin des yeux, près du coeur. Moins je vois mes vêtements, plus ma relation avec eux est riche et longue.  

C’est ce qui me permet, à chaque nouvelle saison, de porter mes tenues préférées en boucle. Je sais qu’elles iront, tôt ou tard, se régénérer loin de mon regard, dans mon espace d’archivage. 

C’est ce qui m’aide aussi à ne pas prendre en grippe un vêtement moins porté. Plutôt que d’entretenir un sentiment de frustration et d’échec à force de le voir tous les matins useless sur son étagère, je le laisse hiberner aussi longtemps que nécessaire.

Et enfin, archiver régulièrement mes vêtements m’évite de les banaliser. Ce qui arriverait immanquablement quand vous avez le même sweat sous les yeux 365 jours par an. Au bout d’un moment, vous ne le voyez plus, vous ne l’appréciez plus.

À chaque retrouvaille, c’est soit une nouvelle lune de miel qui commence, soit le couperet qui tombe. Car la joie des piles bien nettes et des cintres qui glissent librement sur la tringle n’est pas la seule du wardrobe switch over. C’est dans cette énergie-là que, souvent, vous trouvez aussi l’envie de trier. Dans les vêtements qui sortent comme dans ceux qui rentrent.

De mon côté, j’ai déstocké trois nuisettes à fines bretelles (décidément peu compatibles avec mes torsions nocturnes) que j’ai léguées aux filles pour se déguiser, et fait du ménage dans les sous-vêtements et les chaussettes. 

Puis je me suis débarrassée d’autant plus facilement d’un vieux col roulé rouge pas assez quali qu’il me fallait de la place pour mon nouveau pull violet. Je ne suis pas spécialement adepte du « one in, one out » mais la taille relativement raisonnable de mon dressing quotidien m’aide aussi à ne pas accumuler inutilement, surtout côté maille, la catégorie de vêtements la plus encombrante.  

Alors oui je sais, tout comme Emma, je vis un peu au milieu de nulle part, dans une grande maison, avec de la place à revendre. Mais quand j’habitais dans un deux-pièces à Paris, j’avais trois fois plus de vêtements. Un dressing quotidien n’a pas besoin d’être immense. Ce qui fait la différence, c’est la rotation. Et pour ma part, le « wardrobe switchover » a résolu cette impossible équation : avoir peu et beaucoup de vêtements à la fois.



Photo : Emma Hill


RV le jeudi 31 octobre pour le prochain Debrief


À propos de moi

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